Cela fait maintenant plus de seize ans que Luc Wolff et Heike Kaschny sont aux commandes du restaurant encensé par la presse spécialisée «De Maufel» à Berlin. Ils y réinventent des spécialités et plats luxembourgeois traditionnels de manière imaginative et élégante. Une cuisine luxembourgeoise à la créativité rafraîchissante au cœur de Berlin. Une représentation étrangère particulièrement délicieuse.
Une telle expérience culinaire, cela ne s’oublie pas. Il y a deux ans, je passais la soirée avec le comédien Luc Feit dans le restaurant luxembourgeois De Maufel, situé dans le quartier berlinois de Charlottenburg. Le chef en personne nous apporta délice après délice et je dégustai avec émerveillement ses créations imaginatives, un régal pour les papilles.
J’avais dans mon assiette un véritable fragment de cuisine luxembourgeoise réconfortante, rien de moins – servi au cœur de Berlin. Ce fut un enchaînement de plats typiques du pays, sublimés par l’imagination du chef. J’ai goûté le rôti de bœuf fumé accompagné d’une rémoulade fine et légère à l’estragon et au cerfeuil, garnie d’un délicat chutney de concombre à la moutarde et de croûtons croustillants. Luc Feit a opté pour un bœuf bourguignon parfaitement tendre. Les rondelles de carottes finement tranchées et les champignons miroitaient dans une sauce au vin rouge corsée. Selon ses termes, l’accompagnement composé d’une réduction de carottes était «aromatique et subtilement beurré».
Les plats servis à «De Maufel» restent en mémoire – même ceux de visites plus anciennes, comme le coq au Riesling raffiné, parfumé à l’estragon et aux raisins, ainsi que la géniale tarte flambée «du chef» au potiron, chou rouge et fromage de chèvre.
«De Maufel» possède une longue histoire. Mais comment a-t-elle débuté? Luxembourgeois d’origine, Luc Wolff s’installe à Berlin en 1983 pour suivre des études d’art. Parmi ses clients actuels, peu d’entre eux savent que Luc Wolff, qui a notamment représenté le Luxembourg à la Biennale de Venise en 1997, gagnait encore jusqu’à récemment sa vie en tant que professeur d’université.
Son changement de cap vers la gastronomie, c’est à sa conjointe qu’il le doit. En effet, diététicienne de formation, Heike Kaschny avait depuis toujours le désir d’ouvrir une épicerie fine à Berlin.
C’est à l’entracte d’un concert à la Philharmonie Luxembourg, récemment inaugurée à l’époque, alors que le couple dégustait des petits pâtés au Riesling et du crémant, qu’ils eurent l’idée de proposer des spécialités luxembourgeoises à Berlin. Cette idée fut rapidement concrétisée avec l’ouverture, en décembre 2006, d’un charmant mélange de café, bistrot et épicerie fine. Ils choisirent de l’appeler «de Maufel». Au Luxembourg, on entend souvent la phrase «e gudde Maufel iessen». Elle dérive étymologiquement de l’expression «Maul voll», avoir la bouche pleine – soit manger un bout, faire un bon repas.
Leur version maison des «Rieslingspaschtéitchen» luxembourgeois a immédiatement rencontré un franc succès à Berlin. Toutefois, leur nom compliqué était difficile à mémoriser pour les clients. La spécialité de la maison a donc été rapidement renommée «Maufel».
«Nos clients commandent aujourd’hui des Maufel ou petites bouchées Maufel. Le nom est passé dans le langage courant. Nous devrons donc un jour une explication aux touristes berlinois en vacances au Luxembourg, qui cherchent désespérément la spécialité luxembourgeoise du Maufel», confie Heike Kaschny.
Au départ, le couple confectionnait uniquement de savoureuses tartes et terrines, des pâtés et brioches parfumées dans un espace réduit. «Puis nous avons ouvert pour le déjeuner», explique Luc Wolff. «À un moment donné, nous n’arrivions plus à tenir le rythme seuls. Nous avons dû embaucher des cuisiniers professionnels.» De Maufel a grandi en taille et en réputation. À tel point que les inspecteurs du Gault-Millau ont décerné au nouveau-venu de Charlottenburg une toque et 14 points en 2011.
«Les Luxembourgeois qui nous rendent visite doivent avoir le mal du pays», dit en riant l’actuel chef de cuisine. Depuis la fin 2018, le grand chef originaire du Palatinat Valentino Palumbo contribue à éveiller cette nostalgie culinaire. Il propose en outre des créations inspirées des gastronomies de la Grande Région. Palumbo aime s’inspirer des spécialités de la Lorraine, de l’Alsace, de l’Eifel ou du Palatinat.
Mais les plats luxembourgeois demeurent les piliers fondamentaux de sa cuisine. Lorsque l’on sert des joues de porc braisées aux feuilles de choux de Bruxelles marinées à l’aigre-douce, il faut savoir se démarquer de la cuisine méditerranéenne et se tourner vers des ingrédients déjà disponibles avant la mondialisation. À la place du fenouil et des tomates, on utilise plutôt des betteraves jaunes et rouges. Pour obtenir la célèbre note régionale «aigre- douce», on utilise du vinaigre et de la mélasse de betterave au lieu du citron et du miel.
Chez «De Maufel», la cuisine est complexe et empreinte d’une grande modernité. Une cuisine luxembourgeoise authentique qui, malgré une finesse et une complexité tangibles, a conservé le charme d’un certain attachement au terroir. Un charme que l’on associe précisément à la gastronomie du Luxembourg.
Article : Joscha Remus
DE MAUFEL
Leonhardtstraße 13 — D-14057 Berlin
Tel. +49 / 30 3100 4399
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