Rachel Rameau s’y connaît en cuisine. C’est le moins que l’on puisse dire, et ce sans formation formelle: l’année dernière, la cheffe de cuisine du restaurant «de Pefferkär», à Huncherange, a été nommée membre de «l’Association des Maîtres Cuisiniers de France». Aux côtés de 500 hommes, elle est seulement la quatrième femme à recevoir cette prestigieuse distinction. «J’en suis très, très fière», déclare-t-elle. En effet, pour être élevée au rang de Maître, elle a d’abord dû être notée par d’autres grands chefs. «Mais je n’ai pas appris la cuisine. Je ne viens pas de ce milieu. Et je n’ai pas non plus l’expérience des grandes cuisines.»
C’est par des chemins détournés que Rachel Rameau, originaire de Sarrebourg, en Lorraine, arrive à la cuisine. Elle fait ses études à Grenoble, avec pour projet de devenir médecin, avant de changer de voie pour finalement obtenir un diplôme en gestion hôtelière. Alors qu’elle ne trouve pas de travail à Grenoble et à Lyon, elle suit le conseil de ses parents. «Ils m’ont dit: va donc au Luxembourg, c’est en pleine expansion, il y a beaucoup de travail.» Elle obtient un poste de réceptionniste à l’hôtel Renaissance d’Esch.
C’est là qu’il y a près de trente ans, elle fait la connaissance de Claude Rameau, le fils d’un Français des Vosges et d’une Luxembourgeoise. Il avait quitté la France pour découvrir d’autres régions du monde. Et il a posé ses valises au Luxembourg: «Pourquoi reprendre la route alors que j’ai trouvé tout ce dont j’ai besoin ici? Cette qualité de vie, on ne la trouve nulle part ailleurs.», confie Claude Rameau. Le Gault&Millau l’a élu «Sommelier de l’année». «70 % de nos clients ne jettent même pas un œil à notre carte des vins.», dit-il, non sans une certaine fierté. «Ils s’en remettent à mes recommandations.» Il les conseille également volontiers quand arrive le chariot contenant trente-cinq fromages différents.
«Il faut sans cesse se réinventer. Je ne suis jamais satisfaite de ce que je sais et de ce dont je suis capable.»
Rachel Rameau confie qu’elle a appris à cuisiner en autodidacte. Tout simplement, parce qu’elle trouvait cela amusant. «Et que chaque jour est une découverte.» Cette curiosité, elle la tient probablement de sa grand-mère. Elle n’était pas bien riche (son grand-père chauffait des locomotives à vapeur). Mais elle cherchait sans cesse à découvrir de nouvelles choses. Et lorsqu’elle entendit parler de caviar pour la première fois, elle ne put s’empêcher d’en acheter pour pouvoir y goûter.
Il y a tout juste quinze ans, Rachel et son mari Claude ouvraient leur restaurant à Huncherange. «Lorsque nous avons démarré, nous avions une devise: que nos clients se sentent chez nous comme s’ils dînaient dans leur salle à manger.»
Le style des débuts était empreint de terroir. Une cuisine traditionnelle avec cassoulet et choucroute au menu. Et puis entre les deux, quelques «petits plats plus élaborés», précise Rachel Rameau. «Alors, quand nous avons constaté que cela plaisait aux clients, nous avons étoffé notre offre. Entretemps, j’ai acquis une plus grande expérience en travaillant simplement les choses.» Tout a beaucoup changé depuis les débuts: «Il faut sans cesse se réinventer. Je ne suis jamais satisfaite de ce que je sais et de ce dont je suis capable.», déclare Rachel Rameau. Et elle est convaincue que davantage de femmes pourraient être cheffes de cuisine: «Il faut croire en soi.».
Aujourd’hui, «de Pefferkär», avec son 14 au Gault&Millau, joue dans la cour des grands de la gastronomie luxembourgeoise. La carte est renouvelée quatre fois par an et un Menu du Marché est proposé quasiment toutes les semaines, au prix de 45 ou 60 euros pour trois ou quatre services. En cuisine travaille également Valentin Rameau, qui, contrairement à sa mère, a appris le métier exclusivement dans des restaurants étoilés avant de revenir aux fourneaux familiaux.
Avant l’épidémie de coronavirus, «de Pefferkär» disposait d’un maximum de quarante-quatre couverts. Après la fermeture, durant laquelle, Claude et Rachel en ont profité pour réparer eux-mêmes quelques éléments de mobilier, ce chiffre est passé à seulement vingt-huit. Et avec le retour à une «nouvelle normalité», il ne devrait pas y en avoir beaucoup plus. «Nous ne souhaitons pas changer grand-chose en termes de capacité. Un peu moins de clients, cela signifie que nous pouvons proposer un service encore meilleur», explique Claude Rameau. Une chose reste toutefois inchangée: les nombreux tableaux très colorés du peintre Yves Blin, qui stimulent aussi l’imagination pendant les repas. M. Blin est le père de Rachel Rameau. «La créativité est essentielle», dit-elle. «Chaque matin, je suis heureuse de retrouver ma cuisine. C’est une vraie passion.»
DE PEFFERKÄR
49, route d’Esch — L-3340 Huncherange
Tel. +352 / 51 35 75