Le film Le Menu de Mark Mylod est sorti sur les écrans luxembourgeois. Un thriller gustatif, autour de la difficulté du métier de chef, des obsessions et du concept d’art en cuisine.
Quand le chef Julian Slovik a-t-il perdu la passion ? Quand s’est-il mis à haïr ceux qui ont fait de lui ce qu’il est ? Pendant le confinement peut-être. Où est venue l’introspection. Le ras-le-bol de ces gens qui ne respectent rien. Qui paient 1.250$ un repas sans même se souvenir de ce qu’ils ont avalé.
Ou de plus loin peut-être. De sa vie de sacrifice, de son art bafoué, de ses contraintes quotidiennes ou de son enfance manquée ? C’est tout cela dont parle le premier film de Mark Mylod (la série Succession). Du pouvoir, de faire et défaire, de plaire, de se vendre.
Le synopsis
Douze clients triés sur le volet arrivent en bateau sur une île. Sur cette dernière se trouve le restaurant huppé du chef Slovik, dans lequel ils dîneront ce soir. A leur arrivée ils découvrent les mille et une beautés des lieux et son écosystème. Les élevages, la pêche, les ruches, les légumes, les plantes… Installés devant une large baie vitrée donnant sur la mer, ils découvrent l’arrivée froide et théâtrale du maître des lieux, qui leur présente leurs plats au fil de la soirée. Mais l’évolution de ce dîner gastronomique « exclusif » ne va pas plaire à tout le monde…
Les convives
Si vous aimez rire jaune, ce film est fait pour vous. Sarcastique, grinçant et corrosif, il met en avant les absurdités des extrémismes dans le milieu de la gastronomie de haut vol.
Il y a cette critique culinaire qui pousse loin le ridicule en trouvant des explications perchées à tout, ne cessant de déterrer des mots oubliés pour rendre son article plus exceptionnel. « On peut parler d’écosystème », lui dit son confrère. « Non, répond-elle, c’est un biome, je te dis que c’est un biome ». « Ici, c’est thalassique… »
Il y a ce jeune couple. Lui, ne sait pas se tenir, prend des photos, goûte sans arrêt dans le plat de sa cavalière, coupe la parole au chef, est surexcité, croit tout savoir. Il est perdu dans son adulation pour ce chef qu’il suit depuis des années et qu’il n’avait jamais rencontré.
Ces trois jeunes associés milliardaires, venus se faire plaisir, ce vieux couple qui s’attable ici pour la septième fois, cet acteur oublié qui tente de retenir le départ de son assistante… Et cette vieille dame en pyjama, seule à une table, qui boit du vin.
Des plats, des traumatismes
Les plats arrivent (concoctés pour le film par la chef trois étoiles Dominique Crenn de San Francisco), l’amuse-bouche melon et concombre accompagné d’un Chassagne Montrachet 2014, l’entrée, intitulée « L’île » mettant en scène un rocher et une noix de saint-jacques accompagnée d’un pinot noir 2013, « Le souvenir », qui commence à être dérangeant, puis « Le Chaos », qui marque le point de rupture de ce dîner singulier. Accompagné d’un cabernet franc du domaine Breton…
La suite du menu, on ne la retiendra pas forcément. Car tout a déjà basculé. Amateur de bonne chère que nous sommes, nous avions dévoré des yeux les premiers plats et même ri de certaines incongruités du menu. Désormais, notre cœur bat un peu plus fort.
Un casting appétissant
Dans ce thriller culinaire servi par une jolie brochette d’acteurs, Ralph Fiennes (M de James Bond, The Reader…) mène la danse des casseroles. Son regard et son attitude de glace accompagnent parfaitement son rôle de chef de brigade. Anya Taylor Joy (Le Jeu de la Dame, Peaky Blinders…) joue très juste, sortant les répliques qu’on aurait eu envie d’envoyer nous-mêmes, et Nicholas Hoult (Mad Max, Tolkien…) campe magnifiquement le fan idiot et aveuglé, capable de tout pour plaire à son idole. On rit souvent en regardant cette satire grinçante du monde de la cuisine haut de gamme. Mais on ne rentrera plus jamais chez un grand chef sans penser… au « Menu ».